L'Intelligence Service

From The Arthur Conan Doyle Encyclopedia

L'Intelligence Service is a French Sherlock Holmes pastiche written anonymously by Z. 4.999 published in Le Matin on 13 december 1925.

Illustrated by RVG.


L'Intelligence Service

L'Intelligence Service
Le Matin (13 december 1925, p. 4)

Whitechapel, dix-sept heures quarante-neuf. Derrière les docks, où brillent comme des diamants des globes électriques sertis dans un brouillard épais, une petite rue. Odeurs fortes de gin et fades des graines amoncelées nana les hangars qui baignent leurs pieds dans la Tamise. Au milieu du ruisseau qui coupe la rue, une femme en chapeau à plumes trempe en attendant que se matérialise la statue du policeman qui l'emportera vers le tribunal de nuit...

J'entre dans le petit bar ; pour ne pas etre remarqué, je me suis déguisé en général hawaïen. Je pose sur une table mon bicorne, mon chewing gum et le code secret de l'amirauté britannique que je viens d'acheter à la librairie la plus proche. Au bout d'une seconde l'homme entra. Il était vêtu d'un macfarlane à carreaux et tirait par saccades des volutes de fumée d'une pipe de bruyère où brulait un tabac blond et, je devais le savoir plus tard, des documents fort compromettants.

Les yeux de l'homme étaient perçants, bleu clair, et gênants ; ils fouillèrent la salle et s'arrêtèrent sur moi.

- Je vous connais, fit le personnage avec un accent des « highlands » d'Ecosse. Vous êtes né à Belleville, ainsi qu'en témoignent vos chaussures de montagnard, votre père était arthritique et fondeur en métaux, parce que vous avez les oreilles écartées, vous aves été recalé deux fois à votre baccalauréat et vous aimez 1es cerises à l'eau-de-vie.

Je demeurai stupide ; il venait de décortiquer ma vie comme une amande amère... Je le regardai, stupéfait.

- Êtes-vous décidé à travailler avec nous ?

- Yes, sir, répondis-je.

- Parlons français, reprit l'homme avec un étrange sourire et en baissant la voix. je me présente : Sherlock Hohnes.

- Le grand détective.

- Le détective tout court ; l'homme le plus intelligent de la Grande-Bretagne, présentement chef de l' « Intelligence Service » de l'armée de sa Majesté. Votre pays nous tracasse ; il nous faut des renseignements importants sur vos points stratégiques. Vous vous armez en secret et à vol de vautour Londres est trop près de Paris.

- Combien payez-vous ?

- Mille livres à la commande, mille livres à la livraison...

- Tope.

- Que désirez-vous ? J'ai sur moi l'effectif des troupes qui gardent le palias de l'Elysée, le débouchoir d'un « 680 » à tir rapide et le modèle des chaussures réglementaires de la garde républicaine.

- No ! nous connaissons tout ça ; il nous faut des tuyaux plus importants.

L'homme parlait maintenant à voix basse. Tandis qu'il chuchotait les graves paroles que je vais — confession douloureuse — vous raconter, il se piquait nerveusement l'avant-bras gauche avec une seringue Pravaz et battait du pied droit la marche du premier régiment des grenadiers écossais.

- Je veux savoir, dit-il, où se trouve la tour Eiffel, puis je veux connaître le chemin de fer stratégique du métropolitain station Opéra, et enfin le son du canon du Palais-Royal...

- Peste ! fis-je en claquant des dents, vous n'y allez pas de main morte ! Vous me demandez ce qu'il y a de plus difficile, tout simplement.

- C'est à prendre ou à laisser, mais je vous conseille de prendre, car si vous laissez, ô mon pauvre fils d'arthritique, il y a de fortes chances pour que vous finissiez vos jours dans le plus bas cul de basse-fosse de la Tour de Londres...

- J'accepte, mais donnez-moi l' « à valoir ».

- voilà !

Il me tendit mille livres en pièces de six pence. Le temps de compter mon argent et il avait disparu. Il s'était plutôt, je crois, métamorphosé, car, à partir de ce moment, un joueur italien d'orgue de Barbarie s'attacha obstinément à mes pas en rémoulant jour et nuit la sérénade de Toselli... Je faisais partie de l' « Intelligence Service »... En pensant au rôle considérable que j'allais jouer, j'avalais moralement un coquetel... non, un cocktail de honte et de fierté mélangées. Je traversai le Channel et louai près de mon champ d'opération, une boutique d'oeufs à la coque pour faire gober à mes voisins que j'étais un honorable commerçant. Je garnis mon étalage de faux oeufs et j'embauchai des complices, deux infirmières pour le canon du Palais-Royal, une parachutiste pour la tour Eiffel et un faux officier de marine dont la tenue imitait à s'y méprendre celle des employés du métropolitain.

Peridant que mes sbires vêtus de manteaux couleur de muraille essayaient de connaître les points stratégtques, je menais la grande vie aux frais de l'Intelligence Service. J'eus des maîtresses, une conduite intérieure, des gants lavables et des porte-cigarettes en vermeil. Ce fut ma perte. Un beau matin, Sherlock Holmes débarqua. Nous tinmes conseil dans la boutique. Je lui signalai la marche des opérations. La parachutiste n'avais pu joindre la tour Eiffel à cause des travaux de démolition de l'Exposition des arts décoratifs, le faux officier était embouteillé depuis huit jours à la Madeleine, quant aux infirmières, assourdies par le canon du Palais-Royal, on avait dû les conduire à L'hôpital.

L'homme le plus intelligent du Royaume-Uni me regarda avec colère, puis éclatant tout d'un coup d'un rire de fou, il siffla dans une clef dorée. Deux agents français pénétrèrent dans le magasin et m'entraînèrent vers le Dépôt...

Comble de malheur ! Sherlock Holmes était de mèche avec la Tour pointue... [1]


Z. 4.999






  1. La Tour pointue (The Pointed Tower) in French slang means the Préfecture de police de Paris, 36, quai des Orfèvres (police headquarters in Paris) because of the pointed tower above it.