En écoutant Sherlock-Holmes

From The Arthur Conan Doyle Encyclopedia

En écoutant Sherlock-Holmes (Listening to Sherlock-Holmes) is a French Sherlock Holmes pastiche written by J. Stylo published in Gil Blas (No. 13420) on 18 november 1913.


En écoutant Sherlock-Holmes

En écoutant Sherlock-Holmes
(Gil Blas, 18 november 1913, p. 1)

Les Perceurs de muraille

- Pour l'homme qui aime l'art, dit Sherlock-Holmes, en jetant de côté les journaux du soir qu'il venait de parcourir, c'est souvent dans ses manifestations les moins importantes qu'il trouve le plus de plaisir... »

Dans ce simple, mais confortable pied-à-terre qu'il occupe quand il vient passer quelques jours à Paris, nous étions assis, après le dîner, de chaque côté de la cheminée, où pétillait un feu clair.

Mon hôte, enveloppé dans sa robe de chambre familière, saisit un charbon ardent avec les pincettes pour allumer sa longue pipe de terre — qui remplaçait généralement celle de merisier lorsqu'il était d'humeur plutôt méditative que combative — et poursuivit :

- Ainsi, mon cher ami, cette banale affaire de la rue des Capucines, oui, le cambriolage de cette bijouterie, m'intéresse plus passionnément qu'un beau crime.

- Vous connaissez M. Abelb ?...

- Je ne connais personne. C'est à peine si je connais cette rue où je n'ai, je crois, jamais passé. C'est vous dire que j'ignore tout à fait la boutique cambriolée et celle du tailleur-fourreur qui lui est contigue, au dire des journaux.

- Mais vous savez que les voleurs ont pénétré de nuit chez le bijoutier en passant d'abord chez le tailleur et en pratiquant ensuite un trou dans la cloison mitoyenne ?...

- Je l'ai lu. J'ai lu également que les voleurs ont dû s'enfuir dans la rue par la porte du tailleur, mais qu'ils n'ont pu matériellement entrer par là, ni — d'après des enquêtes parallèles de la police et des reporters — par ailleurs...

- Il s'agit donc de savoir par où sont entrés les voleurs...

- Et qui sont ces voleurs !

- Eh ! maitre, de la façon dont vous vous exprimez, il semblerait que votre opinion fut faite ?

- Peut-être, chez moi... Voyons, suivez-moi bien. Selon la stricte logique, basée sur les constatations matérielles, il apparait :

1° Que le trou n'a pas été percé pour assurer le passage du magasin du bijoutier dans celui du tailleur, mais de celui-ci chez celui-là.

2° Que les voleurs n'ont pu pénétrer chez te tailleur tant que ses employés étaient là. Or, le tailleur et son frère sont restés dans le magasin après le départ de tous les employés.

3° Que la rue des Capucines, dans le voisinage du Crédit Foncier, est particulièrement surveillée par les agents et que des sapeurs-pompiers, à toute heure du soir et de la nuit, font des rondes dans la cour de l'immeuble.

4° Que les voleurs n'ont pu pénétrer par la porte de la cour, les serrures de sûreté étant incrochetables et ne portant nulle trace de pesée.

5° Que la porte sur la rue ne peut être ouverte de l'extérieur et que le panneau de bois dont le déplacement a permis la fuite des voleurs ne peut être enlevé que de l'intérieur.

6° Que, dans ces conditions, le vol n'a pu être commis que par quelqu'un du personnel du tailleur. Or, ce personnel, qui est composé de trois jeunes filles et d'un enfant de douze ans, a quitté le magasin avant le patron.

7° Que le vol n'a pas été commis par des professionnels du cambriolage. Cela résulte de différentes constatations et particulièrement de l'emploi d'outils simplistes.

8° Que, parmi ces outils, les uns sont des instruments propres à la profession de tailleur, les autres ont été reconnus par le tailleur comme lui appartenant.

9° Que le cambriolage avait été longuement et minutieusement preparé, puisque le trou a été pratiqué dans le seul endroit où il fût possible, sans obstacle ni résistance.

Pour résumer...

- Résumons, maître, votre logique est implacable et j'ai hâte d'arriver à la conclusion que je redoute...

- Pour résumer, cher ami, les voleurs n'ont pu venir du dehors, le vol n'a pu être commis par le personnel du tailleur, il a été perpétré par des amateurs connaissant les aîtres de la maison... donc...

- Eh bien ? dis-je haletant.

- Eh ! bien, mon cher, pour que de tels soupçons, de telles preuves puissent s'accumuler sur des gens, pour qu'ils se trouvent accablés sous le poids de telles presomptions, de telles marges, c'est...

- C'est ?

- C'est qu'ils sont innocents !... Car il n'est pas admissible que, coupables, ces gens aient commis de pareilles sottises, aient amassé tant de charges faciles à la portée du juge d'instruction...

Et Sherlock-Holmes secoua la cendre de sa pipe de terre.


J. Stylo