Je connais Sherlock Holmes

From The Arthur Conan Doyle Encyclopedia

Je connais Sherlock Holmes (I Know Sherlock Holmes) is a French Sherlock Holmes pastiche written by Georges Docquois published in Le Journal Amusant (No. 320) on 12 august 1905.

Illustrated by André Hellé (aka André Laclôtre).


Je connais Sherlock Holmes

Je connais Sherlock Holmes
(Le Journal Amusant, 12 august 1905, p. 6)


Comme la chaleur était toujours insupportable, la marquise souhaita que quelqu'un de nous voulut bien raconter quelque histoire d'épouvante, capable, par son intensité, de faire courir un frisson parmi la petite assemblée.

- Cela nous soulagerait peut-être, conclut-elle.

- Que ne suis-je Conan Doyle, madame! soupirai-je alors. J'aurais à votre service la plus splendide imagination dans le domaine de la terreur et de l'étrangeté.

- Ce romancier est, en effet, très admirable, dit Me Antony Aubin. Dommage qu'il ne soit point Français! Notre littérature s'enorgueillirait à juste titre de ce type de Sherlock Holmes, qu'il créa si fantastiquement de toutes pièces !

- Cher ami, je vous demande pardon ! ripostai-je assez vivement. Sherlock Holmes, policier général et diabolique, n'est pas du tout un mythe ! Il existe bien réellement. Moi, qui ai l'honneur de vous parler, je l'ai vu, vu comme j'ai l'incomparable plaisir de voir madame la marquise.

- Est-ce possible ! s'écria notre gracieuse hôtesse.

- J'eus même l'inappréciable chance de l'entretenir, et la fortune encore plus rare d'obtenir de lui la solution d'un mystère qui, l'été dernier, m'oppressa toute une nuit.

Je me tus. Un silence profond régnait.

- Ho! fit la marquise, voici que vous nous avez jeté déjà un peu de glace au fond des os !... Narrez-nous cette horrible chose. Tout le monde ici vous en supplie.

- Bien volontiers, madame. J'étais donc, l'an passé, à Caudevelle-sur-Mer. N'avez-vous pas entendu parler de cette plage ? Sauvage tout ensemble et poétique, elle reflète à merveille le tempérament de son fondateur. (Mais, passons). J'y avais loué une très modeste villa. C'était une pièce unique protégée par quatre murs et à laquelle la porte donnait directement accès.

Cette porte s'enchâssait très exactement dans son cadre. De plus, elle était munie d'une forte serrure.

Le premier soir, après deux solides tours de clé, je me couchai tout rempli de sécurité.

Je dormais déjà depuis quelques heures quand un claquement me réveilla. Je sursautai : ma porte était grande ouverte ! Le lait blême de la lune coulait de la route jusqu'à mon lit...

Je ne pus constater chez moi la présence d'aucun être tangible. Mais ma stupeur fut considerable quand j'eus observé que la serrure était intacte et que le pène en sortait de toute sa longueur, de toute la longueur de mes deux tours de clé. Je le rentrai complètement; puis, ayant repoussé la porte dans son cadre, je donnai de nouveau le double tour.

A peine m'étais-je rendormi que, derechef, un claquement de la même sorte que le premier me réveille. La porte béait encore, et, pas plus que la première fois, le pène n'avait rétrogradé !...

Je suis un esprit positif; pourtant, je trouvai le fait surnaturel, tant qu'il se reproduisit cinq fois encore avant l'aube.

Le matin, comme, tout désorbité, je me tenais debout sur mon seuil, Sherlock Holmes vint à passer. (Vous dire ce qui l'avait amené à Caudevelle-sur-Mer et dans quelles circonstances je lui avais été présenté précisément la veille, serait oiseux.) Il va de soi que je n'eus rien de plus pressé que de lui exposer mon cas.

Quel homme étonnant ! Rien ne l'émeut. Sa théorie, c'est que les causes les plus banales engendrent, parfois, les événements en apparence les plus invraisemblables.

Et c'est ainsi qu'après un sommaire examen, il me dit :

- Comment votre porte ne s'ouvrirait-elle pas toutes les fois qu'il plait au vent de souffler ?

Et, mettant gravement le doigt sur la partie du chambranle qui correspondait avec la serrure, il ajouta :

- Puisqu'il n'y a point de gâche !


Georges Docquois