La Sherlockinette (Le Figaro 12 april 1912)

From The Arthur Conan Doyle Encyclopedia

La Sherlockinette is a French article wrutten by Maxime Girard published in Le Figaro on 12 april 1912.


La Sherlockinette

Le Figaro (12 april 1912, p. 5)

Vous ne savez pas la danser ? Eh ! bien, il faut apprendre, voilà tout ! Sans quoi vous devrez vous résigner à faire tapisserie dans les salons.

En vain répondrez-vous que vous savez déjà bostonner, doubler, danser l'one steep, la grizzly dance, le pas des aviateurs et le tango. Faible excuse : si vous ne savez pas danser la sherlockinette, comme danseur, vous n'existez pas.

Ainsi donc apprenez-la, et sans plus attendre. Car c'est la danse de demain. Si peu que vous tardiez, vous arriverez quand elle aura cessé d'être à la mode. De nos jours, les danses vont vite.

La sherlockinette, d'ailleurs, n'est pas une danse arbitraire. Cent soixante-trois maîtres à danser — pas un de moins — se sont réunis en un concile solennel pour la juger. Ils ont estimé, à l'unanimité, que « c'était une création d'un fin brio, merveilleuse de distinction ».

L'inventeur de la sherlockinette est le président de l'académie internationale des auteurs et maîtres chorégraphes, un Français, M. Giraudet. Il m'a enseigné, hier, comment on la dansait.

C'est très simple. Il y a quatre figures, la sherlockinette reproduisant « les quatre évolutions de Sherlock Holmes dans les quatre classes sociales. »

Dans la première figure, le danseur — Sherlock Holmes — examine à la dérobée sa danseuse il se propose de lui ravir ses bijoux à l'inventaire desquels il procède. Cet inventaire l'oblige tout d'abord à faire quatre pas de two steep. Mais ce n'est que pour se mettre en train. Il repétera ces quatre pas au début des trois autres figures.

A la cinquième mesure, la Sherlockinette proprement dite commence.

Le danseur et la danseuse se trouvent face à face, dans la position classique, du boston. Mais leurs pieds ne sont pas entremêlés : ils sont juxtaposés. Les pieds du cavalier sont à la droite de la dame et inversement.

Alors — attention — le danseur pose la pointe du pied gauche en avant. La danseuse, la pointe du pied droit en arrière. Le danseur soulève un peu son pied gauche et le pose à plat en avant. La danseuse soulève un peu son pied droit et le pose à plat en arrière.

Sherlock Holmes, ce pendant, plie le corps à gauche en considérant sa danseuse qui, par mesure de compensation, plie le corps à droite. Et l'on recommence en partant, cette fois, de l'autre pied.

Dans la seconde figure, Sherlock Holmes continue son inventaire. Il fait le tour de sa victime. Quatre pas de two steep, naturellement. Puis les deux danseurs se séparent afin de se trouver sur un rang, face on avant. Le danseur prend avec sa main droite la main gauche de sa danseuse. Celle-ci lève le bras droit et fait trois petits pas de two steep en avant.

Alors Sherlock, par trois pas de two steep, tourne autour de la dame en passant sous son bras droit. Le bras de la danseuse, pendant ce mouvement, s'enroule autour de sa taille. Le danseur tire ce bras. La danseuse « se déroule » et vient, par une pirouette droite, retomber dans les bras du danseur.

Désormais, Sherlock est fixé. Il connaît tous les diamants que la gorge et les épaules de sa proie récélent.

La troisième figure est d'un symbolisme moins clair. Le danseur poursuit la danseuse en sautant alternativement sur la pointe de chaque pied. Les pieds des deux danseurs sont disposés comme à la première figure.

Et la danse se termine, à la quatrième figure, par quatre pas de two steep et huit pas de galop.

Bien dansée, de vrai, la sherlockinette est assez gracieuse. Mais, surtout, elle est « décente ». Ce fut, paraît-il, la grande préoccupation du jury.

- Et puis, m'affirma M. Giraudet, la sherlockinette est facile à apprendre.

Félicitons-nous-en, car là ne devra pas se borner notre effort. La sherlockinette n'est pas la seule danse nouvelle que l'académie internationale ait approuvée : il y a aussi le triple boston mondain :

Vous objecterez qu'on le danse déjà. Eh ! ce n'est pas le même. Celui-là seul, du moins l'académie le dit, est le vrai.

L'année prochaine, il faudra que nous apprenions le boston Louis XV, qu'on met au point en ce moment, et qui réunira en une danse unique toute la substance du passe-pied de la gavotte, du menuet, de la sarabande et du boston.

Ah ! nous n'avons pas fini de danser.

Maxime Girard.