Le Collier de perles

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Le Collier de perles (The Pearl Necklace) is a French Sherlock Holmes pastiche written by Nozière published in Gil Blas (No. 13298) on 19 july 1913.


Le Collier de perles

Le Collier de perles
(Gil Blas, 19 july 1913, p. 1)

Sherlock Holmes voulut bien me recevoir dans son élégant appartement.

- Qu'y a-t-il ?

- Un vol mystérieux !

Il me demanda la permission de jouer sur son violoncelle un nocturne de Chopin. Il fuma ensuite une demi-douzaine de cigarettes. Quand il fut enveloppé de nuages odorants, il me demanda :

- De quoi s'agit-il, cher ami ? Vous savez que je ne lis pas des journaux.

Je lui tendis deux feuilles qui relataient toua les détails du vol commis au préjudice de M. Max Mayer, marchand de perles à Londres. On sait que son représentant, M. Henri Salomons, lui expédia un collier de quatre millions qui n'arriva pas à destination. La boîte qui devait le contenir ne contenait que des morceaux de sucre. Le célèbre policier lut attentivement les récits de l'affaire. Il pria son domestique d'apporter du brandy et du soda. Il alluma encore six cigarettes et il me dit enfin :

- Sans doute, vous désirez une consultation ?

Je fis un signe de tête affirmatif.

- C'est mille guinées, déclara Sherlock Holmes.

Je tirai de ma poche un louis qu'il saisit délicatement et glissa dans son gousset :

- Maintenant, déclara-t-il, vous allez connaître mon opinion. Il médita pendant trente ou trente-cinq secondes, toussa et me tint ce petit discours :

- Il y a dans cette affaire une circonstance qui doit être tout d'abord examinée. Après s'être emparé du collier, le voleur a éprouvé le besoin de reconstituer le paquet, de lui rendre son poids exact en introduisant — à la place des perles, quelques morceaux de sucre. Il a poussé le scrupule jusqu'à ap-poser de nouveau le cachet de la maison Mayer. Il voulait donc qu'on ne s'aperçût du vol qu'au moment même où M. Mayer ouvrirait le colis. Il semble que ce sont des précautions un peu inusitées. Elles obligent le voleur à se procurer la cire et le cachet de M. Mayer. Elles exigent un temps précieux et du sang-froid. Sans doute l'affaire prend ainsi un caractère romanesque. Arsène Lupin laissait sa signature dans les maisons qu'il dévalisait. Notre inconnu montre le même souci d'étonner le public. Cette vanité un peu naïve a de quoi nous déconcerter. Elle ne doit pas nous laisser tout à fait sceptiques. Les grands journaux ont en effet développé singulièrement, le cabotinage des criminels. Peut-être cette influence augmente-t-elle le nombre des delits ; mais le péché d'orgueil conduit les coupables à commettre des imprudences qui souvent les livrent à la police. Il ne nous est donc pas permis, a priori, de hausser les épaules et de déclarer qu'un voleur n'aurait pas perdu son temps à refaire le paquet. Il fallait peut-être que le colis ne disparût pas trop tôt et que son absence ne fût pas constatée trop vite. Le voleur n'avait peut-être qu'un délai très limité pour se mettre à l'abri et cacher son butin.

« Ce qui est étrange, c'est la valeur lu collier. Quatre millions ! On ne réunit pas souvent soixante perles d'un orient aussi merveilleux. Avant d'expédier ce bijou, M. Salomons n'a pas résisté au désir de le montrer à une marchande de perles qui en atteste aujourd'hui la merveilleuse beauté. S'il faut en croire M. Salomons, c'est la plus belle pièce qui ait été faite jusqu'ici en bijouterie. Et, précisément, on la vole ! Je ne veux pas insinuer qu'os ait songé à tromper la Compagnie d'assurances qui avait assuré le collier. Dans ce cas, il faudrait admettre que le destinataire eût maquillé le colis qu'il avait reçu. Quand la Poste l'a livré à M. Mayer, il ne semble pas qu'un employé, — car M. Mayer n'était pas là, — ait fait la moindre observation sur l'état du paquet.

« Le commis n'a rien constaté d'anormal. Il n'a pas été frappé par le nombre anormal des cachets. Il n'a pas vu que la boîte avait été brisée. Il a enfermé en hâte dans le coffre-fort ce paquet qu'il savait précieux. M. Mayer, en arrivant à son bureau, a constaté la présence des morceaux de sucre et le truquage. Ceci nous prouve, une fois de plus, que l'oeil du maitre est seul clairvoyant. Mais l'employé qui a reçu le colis mérite d'être réprimandé par son patron pour n'avoir pas examiné l'objet que lui apportait la Poste. Il ne s'agit point de jeter le soupçon sur un subalterne. Ce serait aussi injuste que de mettre en cause M. Mayer lui-même. Dans une telle affaire, un policier n'a pas le droit de considérer comme suspect celui-ci plutôt que celui-là, celui-là plutôt que celui-ci. Un enquêteur impitoyable mettrait en doute la très naturelle étourderie de l'employé et l'absence non moins naturelle du patron.

« Il est très difficile d'arriver à des conclusions en usant des données que nous fournissent les journaux. M. Calchas, qui est chargé des recherches, a sans doute des renseignements plus précis... Il arrivera certainement a résoudre ce problème, car c'est un policier habile et qui porte un nom fait pour nous rassurer. Il descend, comme vous savez, d'un illustre devin. On affirme que la compagnie d'assurances qui devrait rembourser la valeur du collier, c'est-à-dire quatre millions, a mis à se disposition une prime de deux cent cinquante mille francs. Il y a là de quoi tenter les indicateurs, et même les délateurs. Qui sait même si le voleur ne rendra pas les perles en échange de cette somme Il n'est pas facile de négocier la plus belle pièce qui ait été faite en bijouterie. Les journaux nous apprennent que tout le monde la reconnaîtra, que chacune des perles n'a pas sa pareille et que les marchands la découvriraient entre mille. Il est donc très probable que le collier sera restitué à M. Mayer. Dans ce cas, il pourrait être assez généreux pour rembourser à la compagnie la prime de deux cent cinquante mille francs. Cette aventure assure, en effet, au bijou, une plus-value. Il est aujourd'hui célèbre, et nulle publicité n'aurait été aussi efficace que ce vol.

« Supposez, en effet, que le collier soit retrouvé et qu'on le mette en vente. Imaginez la foule qui assistera aux enchères. Les femmes qui voudraient posséder ces perles illustres ne seront pas arrêtées par la bagatelle de deux sent cinquante mille francs. Le bijou ne sera pas adjugé quatre millions deux cent cinquante mille francs, mais cinq millions sans doute, six millions peut-être. On ne saurait trop payer la plus belle pièce qui ait été faite jusqu'ici en bijouterie. Il ne faut pas que M. Mayer se laisse aller au désespoir. Il est infiniment probable que cette aventure romanesque tournera à son avantage. La compagnie d'assurances aura aussi montré qu'elle tient scrupuleusement ses engagements et qu'elle agit avec une décision et un sang-froid merveilleux. Tout cela finira très bien. »

Et Sherlock Holmes alluma encore une cigarette.


Nozière.