Les Livres: La Nouvelle Chronique de Sherlock Holmes

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Les Livres : La Nouvelle Chronique de Sherlock Holmes (Books: The New Chronicle of Sherlock Holmes) is a review written by G. De Pawlowski published in Les Annales Politiques et Littéraires No. 2050 on 21 may 1922.

The first part of the article is review is a harsh critic of a collection of 8 short stories (DEVI, WIST, CARD, BRUC, REDC, LADY, DYIN, LAST) published by Pierre Lafitte as La Chronique de Sherlock Holmes the same year.


Les Livres: La Nouvelle Chronique de Sherlock Holmes (FR)

Les Annales Politiques et Littéraires
(21 may 1922, p. 553)

En recevant cette traduction des nouvelles avenures de Sherlock Holmes, j'ai cédé, je dois l'avouer, à un sentiment qui n'avait rien de très honorable. Je dirais même qu'il était inavouable, si je ne me proposais, tout au contraire, de l'avouer. J'ai pensé que j'allais m'amuser et que cela me reposerait un peu des « belles oeuvres littéraires ».

Les belles oeuvres littéraires, gloire à Dieu, sont aujourd'hui parfaitement vengées, car je n'ai jamais rien lu d'aussi ennnuyeux. Cependant, si mes souvenirs sont exacts, le policier amateur était autrefois des plus divertissants : il allumait une cigarette, réfléchissait une heure de temps, traitait son vieil ami Watson de parfait imbécile, prouvait aux policiers leur inaptitude congénitale et découvrait, avec une facilité surprenante, que l'assassin de la vieille dame était tout justement la vieille dame qui, pour la circonstance, s'était déguisée en assassin. C'était très amusant. Cela ne l'est plus du tout aujourd'hui, et j'en suis encore à me demander pourquoi.

C'est qu'à vrai dire, les aventures de Sherlock Holmes relèvent uniquement des Mathématiques et pas un seul instant de la littérature.

Lorsque l'on aborde pour la première fois en géométrie le fameux pont aux ânes, on se passionne pour la solution qui paraît assez mystérieuse ; mais le jour où l'on sait que :

Le carré de l'hypoténuse
Est égal, si je ne m'abuse,
A la somme des carrés
Des deux autres côtés.

tout le mystère s'envole et la question ne nous intéresse plus.

Il en va de même des jeux de cartes, qui ne sont, en somme, que l'exact symbole des mathématiques pour gens du monde. Lorsqu'on a joué pendant quelques mois au whist ou au bridge, ce jeu, si l'on s'obstine honnêtement à ne point tricher, ne présente plus aucune nouveauté.

Sherlock Holmes, c'est comme un jeu de cartes démodé qui ne nous amuse plus. Nous en connaissons toutes les règles, tous les trucs; ce n'est, à bien prendre, qu'une histoire toujours la même et qui n'a que ceci de particulier qu'elle nous est racontée à l'envers.

L'auteur commence par établir une conclusion claire et facile; il fabrique ensuite un commencement qu'il embrouille à plaisir, et son triomphe paraît un peu puéril lorsqu'il dénoue aisément une situation qu'il avait embrouillée lui-même. La première fois, cela peut séduire; la vingtième fois, on devient un peu triste en voyant une vingtième souris sortir de la montagne édifiée laborieusement devant nos yeux.

Les huit nouvelles histoires que l'on nous offre aujourd'hui sont, en somme, identiques. Il y a toujours, au début, un crime mystérieux, des gens meurent autour de leur table, d'autres reçoivent des oreilles humaines dans une boite en carton, d'autres ont été déposées sur le toit du Métro et retrouvées à quelques milles de là. Quelques jours après, un nouveau meurtre est commis ou un suicide mystérieux; on ne doit y attacher aucune importance. Ce fait numéro 2 n'est là que pour égarer l'opinion et le stupide docteur Watson, que Sherlock entraîne à ce moment dans une expédition périlleuse, non sans lui avoir « jeté un affectueux regard vite réprimé » qui dédommage le pauvre innocent cobaye de ses peines. Dès que l'expédition est terminée, les explications définitives commencent, que l'auteur prolonge à plaisir pour en masquer le vide.

Car c'est là le défaut des histoires de Conan Doyle : le mystère ne subsiste jamais et le mystère seul a quelque valeur en littérature. Que nous voilà loin de l'admirable Edgar Poe, si souvent invoqué par l'auteur et qui, lui, ne versa qu'une fois dans ces dangereuses explications techniques, lorsqu'il écrivit Le Scarabée d'Or. Si au moins, les déductions de Sherlock Holmes étaient psychologiques, nous serions sauvés; mais elles ne le sont jamais. C'est avec des bouts d'allumettes, avec une cigarette fumée jusqu'au bout par un monsieur à barbe (ce qui est impossible...; la personne qui se cache est une femme substituée au monsieur à barbe), que Sherlock Holmes procède à ses déductions. Aucun ressort moral, aucune subtilité d'artiste; c'est un travail de raccomodeur de porcelaine qui s'ingénue à recoller, bien à leur place, tous les morceaux d'un vase brisé.

Nous voici loin, également, de notre national Arsène Lupin, et là se marque d'une façon plus évidente encore la supériorité du romancier français sur le mécanicien anglais. Sherlock Holmes est un rouage de la société, il marche avec le gendarme pour la collectivité. Argne Lupin, au contraire, agit individuellement : il est seul contre tous, il se moque du pouvoir, il berne le guet, il n'en fait pas moins le bien chaque fois qu'il le peut; c'est un Français. Il est le dernier représentant d'une grande lignée d'indivdualistes dont la beauté est faite d'isolement. Ses aïeux ont été aux Croisades; mais bientôt, perdus dans le monde ils se sont transformés en chevaliers errants luttant contre la nature et les hommes, triomphant à eux seuls de l'univers entier. Leur descendant fut Pantagruel, qui lutta, avec les seules forces de son bon sens, contre les monstres sociaux les plus terribles; ce fut, plus tard, Figaro, bravant les méchants et se moquait des sots; ce fut Jean-Jacques, ce furent les romantiques, ce fut Vautrin, Gavroche ou Jean Valjean, ce furent les héros de Stendhal et tant d'autres. Arsène Lupin est d'une famille autrement illustre que celle de Sherlock Holmes : il est Français.