Sir Arthur Conan Doyle: L'auteur de notre nouveau roman

From The Arthur Conan Doyle Encyclopedia

Sir Arthur Conan Doyle: L'auteur de notre nouveau roman (Sir Arthur Conan Doyle: the author of our new novel) is an article written by Jacques des Gachons published in the French magazine Je Sais Tout on 15 march 1918. The article was an introduction on the serialization of the Conan Doyle's novel: The Land of Mist started in the same issue.



Sir Arthur Conan Doyle (original text)

Je Sais Tout (15 march 1918, p. 269)
Je Sais Tout (15 march 1918, p. 270)

L'énergie est à l'origine de presque toutes les belles carrières d'artistes. Il lui arrive même de continuer d'être jusqu'à la fin la compagne exigeante et secourable de l'homme de genie que la fortune s'obstine à méconnaître. Quelle force de caractère, quelle foi ardente, quelle furieuse volonté il a fallu que déploie un Balzac pour écrire des chefs-d'oeuvre tandis qu'autour de lui se multipliaient les plus injustes vicissitudes et les tribulations les plus extravagantes...

Arthur Conan Doyle ne fut pas exempte de cette lutte contre le destin. Il n'est pas mauvais que ces peintres de l'activité humaine soient d'abord le héros de leur propre roman et qu'ils apprennent, d'après nature, à bâtir une scène dramatique et a être contraints d'analyser jusqu'au tréfonds leurs emotions personnelles. Quelle leçon pour l'homme qu'ils vont être; quel modèle pour le romancier ou le poète trop souvent porté à suivre l'élan de son imagination, sans assez tenir compte du réalisme de la vérité.

« Le secret de la fortune, c'est la joie dont nous disposons. L'homme qui s'aide lui-même est le bienvenu des dieux et des hommes. Pour lui, les portes s'ouvrent toutes grandes ; toutes les langues le complimentent, tous les honneurs le couronnent, tous les yeux le suivent avec envie. » Voilà ce qu'affirme le grand moraliste Emerson, en son chapitre de la « Confiance en soi ». La joie dont il parle est une sorte de foyer qui rayonne de la chaleur et de la lumière par la vertu même de sa sincérité et de sa profondeur. « Travaille, dit-il encore et acquiers par ta volonté, et tu enchaîneras la roue de la Chance, et tu seras l'abri de ses rotations. »

Arthur Conan Doyle, fils d'un dessinateur satirique, une des vedettes du célèbre Punch, fit, sans doute pour suivre les désirs de sa famille, ses études de médecine. Il exerça même, pendant huit ans, sans grand enthousiasme. Il eût pu accepter du destin une vie exempte de tribulations. La clientèle d'un médecin est immortelle en ce sens qu'elle est perpétuellement renouvelable. A une situation de tout repos, le jeune Arthur Conan Doyle préféra le métier le plus decevant qui soit, celui de contour, qui comporte deux sortes de difficultés. Il s'agit d'abord d'inventer chaque soir de nouvelles aventures et il faut chaque matin voir grandir son public. Après s'être contenté soi-même, il faut plaire à un plus ou moins grand nombre de gens parfaitement inconnus, mais qui possèdent chacun son propre goût, ses préférences, ses habitudes, ses vertus et ses vices.

Conan Doyle avait à peine dix-neuf ans lorsqu'il publia sa première nouvelle : le Mystère de la vallée de Sasassa. Encouragé par ce premier succès, gratuit, très probablement, le débutant s'habitua à écrire entre les heures de visites et de consultations. Quelques magazines accueillirent sa copie. Mais lorsqu'il voulut aborder des oeuvres de longue haleine, il s'aperçut qu'il pénétrait dans un pays parsemé de chausse-trappes. Les éditeurs à qui mieux mieux lui firent grise mine. « Revenez quand vous serez connu. » Tel est le « Sésame, ferme-toi » dont on accueille trop souvent le nouveau venu...

Le docteur jeta un défi à ses ennemis du moment qu'il devait un jour enrichir, malgré eux.

« Ah ! on ne voulait pas qu'il écrive dans ses heures de loisir ! Qu'à cela ne tienne, il écrirait en tout temps ! »

Et il abandonna clients et revenus. « L'homme qui s'aide lui-même est le bienvenu des hommes et des dieux. » Bientôt, il enchaînait la roue de la fortune.

Nous ne nommerons ici que les principaux ouvrages, car Arthur Conan Doyle est un romancier merveilleusement fécond. Il a abordé à peu près tous les genres, romans d'aventures, romans d'histoire, romans mystérieux, romans scientifiques. Dans le roman d'histoire, il a donné la Compagnie blanche, magistrale évocation du moyen âge, qui est peut-être son oeuvre capitale; Micah Clarke, qui traite de la chute de Jacques II, mais dont les héros qui sont quatre, comme Athos, Porthos, Aramis et d'Artagnan — traversent de si prodigieuses aventures et livrent de tels combats qu'ils font songer aux fameux mousquetaires de Dumas le père. Nous sommes en pleine Angleterre, du xvtie siècle. Quelle belle et agréable leçon d'histoire ! Rodney Stone, tableau fort vivant de la vie anglaise et particulièrement du monde de la boxe, au temps des luttes épiques contre Napoléon Ier. Les marins d'Aboukir et de Trafalgar, la fashionable phalange des « daims » patronnés par le futur roi Georges, traversent la dramatique histoire de lord Avon et de son frère, et nous assistons tout le long du livre à d'étonnants et passionnants matches de boxe. Les profanes eux-mêmes sont empoignés.

La grande ombre est une saisissante évocation de la bataille de Waterloo. Citons encore les Aventures du brigadier Gérard, Notre-Dame de la Mort et ce Rafles How [1] « l'homme qui fabrique de l'or », roman de pure imagination, mais qui entraîne son lecteur et le tient haletant...

Qui n'a entendu prononcer le nom de Sherlock Holmes, le fameux détective, création populaire de Conan Doyle. Les lecteurs de ce magazine, amis d'Arsène Lupin et de Rouletabille, reconnaissent en lui un frère aîné. Avec Sherlock Holmes nous voici en pleine réalité d'aujourd'hui et dans un monde à l'énergie tourbillonnante: que de ruses, que de poursuites, que de surprises, quelle verve, quelles leçons d'après nature !...

Je sais tout a publié dans les mois qui ont précédé la guerre un roman de Conan Doyle le Monde perdu dont le Ciel empoisonné est en quelque sorte un prolongement. Les mêmes personnages, du moins, y figurent et y sont, dans l'une et l'autre histoire, en proie à de pénibles tribulations « scientifiques. » Grâce au Monde perdu, on est tout à coup jeté parmi la faune et la flore antédiluvienne. Nos lecteurs n'ont pas oublié les fantastiques trouvailles du romancier, toutes appuyées sur la plus exacte information géologique. Avec le Ciel empoisonné, nous sommes, de l'extrême passé, précipités dans un avenir qui, nous l'espérons, est encore assez éloigné. Car il s'agit tout bonnement de la fin du monde... par empoisonnement. Mais n'anticipons pas.

Nos lecteurs retrouveront ici, auprès du grand écrivain anglais, l'un de ses fidèles traducteurs, M. Louis Labat, parfait lettré. Le titre de chevalier, qui vaut à l'émirent romancier d'étre appelé maintenant sir Arthur Conan Doyle, lui a été conféré peu de temps avant la guerre.

Le portrait que nous donnons ici est un document. Comme beaucoup d'écrivains, le populaire romancier a porté l'uniforme et, chargé de missions, a pu voir de près les phases du terrible drame où il se dépense plus de véritable énergie en un jour que le monde n'a coutume d'en déployer en un siècle.

JACQUES DES GACHONS.


Sir Arthur Conan Doyle (translated text)

Energy is at the origin of almost all the beautiful careers of artists. He even continues to be until the end the demanding and helpful companion of the man of genius whom fortune persists in ignoring. What strength of character, what ardent faith, what a furious will was necessary for a Balzac to write masterpieces while around him were multiplied the most unjust vicissitudes and the most extravagant tribulations...

Arthur Conan Doyle was not exempt from this struggle against destiny. It is not bad that these painters of human activity are at first the hero of their own novels and that they learn from nature to build a dramatic scene and to be forced to analyze until deepen their personal emotions. What a lesson for the man they are going to be; What a model for the novelist or the poet too often inclined to follow the impulse of his imagination, without sufficiently taking into account the realism of the truth.

« The secret of fortune is joy in our hands. Welcome evermore to gods and men is the self-helping man. For him all doors are flung wide. Him all tongues greet, all honors crown, all eyes follow with desire. » This is what the great moralist Emerson asserts in his chapter of "Self-Reliance". The joy of which he speaks is a kind of hearth that radiates heat and light by the very virtue of his sincerity and depth. "In the Will work" said he again, "and acquire, and thou hast chained the wheel of Chance, and shalt sit hereafter out of fear from her rotations."

Arthur Conan Doyle, son of a satirical cartoonist, one of the stars of the famous Punch, did, no doubt to follow the desires of his family, his medical studies. For eight years he even exercised little enthusiasm. He could have accepted from fate a life free from tribulation. A doctor's clientele is immortal in the sense that it is perpetually renewable. In a situation of rest, the young Arthur Conan Doyle preferred the most disappointing trade, that of author, which involves two kinds of difficulties. The first thing to do is to invent new adventures each night and every morning to see his audience grow. After being satisfied with oneself, it is necessary to please a greater or less number of people perfectly unknown, but who each possess his own taste, preferences, habits, virtues, and vices.

Conan Doyle was barely nineteen when he published his first short story: The Mystery of the Sasassa Valley. Encouraged by this first success, free, most likely, the beginner got used to writing between hours of visits and consultations. Some magazines received his copy. But when he wished to approach long-drawn-out works, he perceived that he was entering a country interspersed with traps. The editors, who were better off, made a long face. "Come back when you are known." Such is the "Close Sesame" too often welcomed by the newcomer...

The doctor threw a challenge at his enemies as soon as he was to enrich one day, in spite of them.

"Ah! One did not want him to write in his leisure hours! No matter what, he would write at all times!"

And he abandoned customers and revenues. "The man who helps himself is the welcome of men and gods." Soon he would chain the wheel of fortune.

We shall name here only the principal works, for Arthur Conan Doyle is a wonderfully fertile novelist. He has approached almost every genre, novels of adventure, novels of history, mysterious romances, scientific novels. In the novel of history he gave the White Company, a masterly evocation of the Middle Ages, which is perhaps his most important work; Micah Clarke, who deals with the fall of James II, but whose heroes — who are four, such as Athos, Porthos, Aramis, and D'Artagnan, — go through such prodigious adventures, and give battle to the famous musketeers of Dumas. We are in the middle of England, of the seventeenth century. What a beautiful and pleasant lesson in history! Rodney Stone, a lively picture of English life and particularly of the boxing world, in the epic struggle against Napoleon I. The sailors of Aboukir and Trafalgar, the fashionable phalanx of the "deer" patronized by the future King George, traverse the dramatic story of Lord Avon and his brother, and we watch throughout the book at amazing and exciting matches boxing. The laypersons themselves are gripped.

The great shadow is a striking evocation of the Battle of Waterloo. Let us also mention the Adventures of Brigadier Gerard, Our Lady of Death and Rafles How [1] "the man who makes gold", a novel of pure imagination, but which draws his reader and keeps him panting ...

Who has not heard the name of Sherlock Holmes, the famous detective, popular creation of Conan Doyle. The readers of this magazine, friends of Arsene Lupin and Rouletabille, recognize in him an elder brother. With Sherlock Holmes, here we are in today's reality and in a world with swirling energy: what tricks, what pursuits, what surprises, what verve, what lessons from nature!

I know everything published in the months before the war a novel by Conan Doyle the Lost World whose poisoned Heaven is in some way an extension. The same characters, at least, appear in them, and in both histories they are in the throes of painful "scientific" tribulations. Thanks to the Lost World, one is suddenly thrown among the fauna and the antediluvian flora. Our readers have not forgotten the fantastic novels of the novelist, all based on the most accurate geological information. With poisoned Heaven, we are, from the extreme past, precipitated into a future which, we hope, is still quite distant. Because it is simply the end of the world... by poisoning. But let us not anticipate.

Our readers will find here, with the great English writer, one of his faithful translators, M. Louis Labat, a perfect scholar. The title of knight, which is worth to the eminent novelist to be called now Sir Arthur Conan Doyle, was conferred to him shortly before the war.

The portrait we are giving here is a document. Like many writers, the popular novelist has worn the uniform and, in charge of missions, has been able to see closely the phases of the terrible drama in which he spends more real energy in a day that the world is not accustomed to deploy in a century.

JACQUES DES GACHONS.





  1. 1.0 1.1 Sic.