Un émule de Sherlock Holmes

From The Arthur Conan Doyle Encyclopedia
Illustration by Henri Monier in Le Petit Parisien (16 march 1926, p. 2)

Un émule de Sherlock Holmes (A Disciple of Sherlock Holmes) is a French Sherlock Holmes pastiche written by Maurice Morelo published in on 16 march 1926 in the French newspaper Le Petit Parisien.

The story is about Narcisse Barsanufe, a wanabee Sherlock Holmes, which thinks his money was stolen.


Un émule de Sherlock Holmes

Un émule de Sherlock Holmes
Le Petit Parisien (16 march 1926, p. 2)

De taille moyenne, un physique tourmenté, une tenue vestimentaire usagée, tel se présentait Narcisse Barsanufe aux yeux de ses concitoyens. Il n'attirait point sur lui l'attention des passants lorsqu'il circulait sur l'asphalte parisien et nul ne se doutait que ce petit bourgeois, à l'aspect minable, aspirait à devenir un détective célèbre.

Pour le moment, il exerçait les peu lucratives fonctions de contrôleur dans un minuscule cinéma, emploi qu'il jugeait très inférieur à ses capacités, et voici pourquoi.

Le spectacle de films policiers, ajouté à la lecture passionnante des romans de Conan Doyle et de Gaston Leroux, avait meublé le cerveau de Barsanufe d'un monceau de théories sur les observations et les déductions qu'en matière d'enquêtes judiciaires les fins limiers de la Sûreté doivent mettre en pratique s'ils veulent obtenir des résultats sérieux.

Aussi notre homme, possédant à fond ces matières spéciales, se croyait-il en mesure de surpasser tous les Sherlock Holmes et tous les Rouletabilles de la terre.

L'occasion de mettre ses aptitudes à l'épreuve lui manquait malheureusement, aussi résolut-il de la provoquer.

Or donc, un soir, il se dirigea à pas de loup vers son armoire à glace, y prit un portefeuille contenant ses modestes économies et s'en fut le placer en un endroit où il était certain que personne ne viendrait le découvrir.

Puis, il se coucha, s'endormit et son sommeil se peupla aussitôt de rêves fabuleux.

Le lendemain, dès son réveil, il courut à son armoire, constata la disparition de son portefeuille, et s'écria avec désespoir et conviction : « Je suis volé ! »

Immédiatement, il alla trouver le commissaire du quartier pour lui conter sa mésaventure, se vantant, d'un air entendu, qu'il se faisait fort de découvrir par ses propres moyens l'auteur du méfait.

En rentrant chez lui, Barsanufe se mit à plat ventre pour se livrer, selon les règles de l'art, a la mensuration minutieuse des empreintes de pas laissées sur le parquet de son appartement. De l'examen de ces empreintes, il conclut que le voleur chaussait du 41, que le talon de sa chaussure gauche, un peu éculé, dénotait une situation précaire chez son propriétaire, et que la taille de celui-ci mesurait 1,64 m (pointure 41 X 0,04 (?) = 1,64 m). En explorant le sol à l'aide d'une forte loupe, il découvrit un cheveu de teinte claire, tirant sur le roux ; ce cheveu sans consistance à la traction, révélait qu'il appartenait à un individu presque chauve de la race dite rouquine. Un bout de mégot oublié sur le coin de la cheminée établissait nettement que le cambrioleur était un fumeur ayant dépassé la quarantaine (taille 1,64 m + pointure 41 = 42,64, soit 42 ans, 2 mois et 4 jours). Il s'agissait, en outre, d'un monte-en-l'air des plus habiles, puisque aucune trace d'effraction n'était relevée sur les serrures de l'appartement et de l'armoire à glace, laquelle, d'ailleurs, n'était pas fermée.

De tout ce faisceau d'observations, Barsanufe déduisit facilement que l'individu répondant à ces diverses indications fournies par l'enquête n'était autre que lui-même et cette constatation le remplit de joie, car il venait de faire une rigoureuse démonstration de la valeur indiscutable des méthodes employées par lui pour découvrir l'auteur du vol.

Restait maintenant à retrouver le magot.

En suivant les empreintes des pas depuis leur point de départ, c'est-à-dire dès le seuil de l'appartement, on pouvait déterminer exactement le chemin parcouru par le cambrioleur. Celui-ci, sans hésitation aucune, ce qui prouvait de sa part une parfaite connaissance des aîtres, avait traversé l'antichambre, puis la salle à manger, et s'était dirigé directement vers l'armoire à glace placée dans la chambre à coucher.

De cet endroit, les pas s'éloignaient dans la direction d'un cabinet noir sans issue servant de débarras. Remarque importante : une chaise apportée dans ce réduit prouvait que l'individu avait dû se servir de ce siège pour atteindre une planche sous laquelle était installé un porte-manteau. Barsanufe escalada la chaise et mit la main sur le portefeuille placé sur cette planche par le malfaiteur qui, sans doute dérangé dans ses opérations, les avait interrompues avec l'intention de venir les terminer à la première occasion.

Le magot étant retrouvé, Barsanufe ne poursuivit pas plus avant ses investigations, mais, heureux de la complète réussite de son expérience, il courut chez le commissaire de police pour lui communiquer le résultat de ses recherches.

- Monsieur, dit Barsanufe, avec un air important, j'ai découvert mon voleur.

- Ah ! ah ! très bien, je vous félicite de votre perspicacité. Et qui est-ce ?

- C'est moi-même, affirmat-il, non sans fierté.

- Parfait, parfait ! Alors il ne me reste plus qu'un devoir à remplir : « Au nom de la loi, je vous arrête ! »


Maurice Morelo